Les auteurs
Erckmann-Chatrian est un pseudonyme de deux romanciers et dramaturges lorrains associés.
Emile Erckmann (Phalsbourg 1822 – Lunéville 1899) est un Lorrain issu d’une famille protestante de négociants aisé.
Alexandre Chatrian (Soldatenthal 1826 – Villemomble 1890) est né à la lisière de l’Alsace, près d’Abreschviller où son père avait dirigé une verrerie avant de faire faillite.
Ses études de droit à Paris interrompues par la maladie, Erckmann revient à Phalsbourg et se lie avec Chatrian qui est répétiteur.
Le premier écrit des contes que le second va placer à Paris où il entre bientôt aux Chemins de fer de l’Est. Erckmann est le principal maître d’ouvrage, Chatrian apporte à leur association ses dons d’auteur dramatique et son sens critique et commercial.
Tous deux ont grandi dans l’ambiance des souvenirs de la Révolution et de l’Empire. Le succès ne vient que vers 1856, mais il sera grand et durable. Leur œuvre commune comprend les Romans nationaux (dont l’Invasion, Madame Thérèse, Histoire d’un conscrit de 1813) et les Romans populaires (dont l’Ami Fritz) ainsi que des Contes (fantastiques, vosgiens, etc.).
Un certain nombre de romans ont été portés à la scène comme Les Rantzau, l’Ami Fritz… Une brouille mettra fin à quarante ans d’amitié. Erckmann continuera à écrire seul (Alsaciens et Vosgiens d’autrefois).

Résumé
Rien ne réjouit Fritz Kobus comme de déguster un dîner fin en bonne compagnie, si ce n’est peut-être de taquiner son vieil ami le rabbin David Sichel sur sa manie de vouloir marier les gens et lui Fritz en premier. Garçon, il est et sûr de le rester au point de parier sa plus belle parcelle de vigne.
Au mariage prôné par David, il préfère la liberté d’aller selon sa fantaisie jouer aux boules ou passer quinze jours dans sa ferme de Meisenthal pour bâtir un réservoir à truites en dégustant la cuisine délectable de la petite Sûzel, la fille de son fermier Christel.
C’est d’ailleurs à cause de ce réservoir à truites que l’ami Fritz se retrouve en danger de perdre sa vigne et son pari. Au-delà des préjugés sociaux et culturels, c’est donc la victoire de l’amour et le rôle de la famille comme fondement de la civilisation que célèbre « L’Ami Fritz ».

Les personnages

SÛZEL
Née le 20 juin 1842 à la ferme du Goldbuch (commune de Marlenheim) Fille de Christel et Orchel Servatius, métayers de Fritz. Anabaptistes, originaires des Pays-Bas. Son premier émoi est évoqué dans le livre d’Erckmann-Chatrian, quand Fritz l’invite à prendre une tasse de café au milieu de ses amis : Lorsque la vieille servante revint avec une tasse, Sûzel, rouge jusqu’aux oreilles, était assise, toute droite sur le bord de sa chaise, entre Kobus et le vieux rebbe.

FRITZ
Né le 5 mai 1823 à Marlenheim. Fils d’André et Joséphine Kobus, propriétaires, domiciliés place du Kaufhüs à Marlenheim (maison Apprederis). André est un ancien juge de paix, ardent bonapartiste, qui meurt le jour du passage de Charles X à Marlenheim (1828). Joséphine Eberlé, la mère de Fritz, est morte en couche. Épicurien, Fritz vivait en vieux garçon, refusant de se marier ; il en paria même sa meilleure vigne (trois arpents au Steinklotz !) avec le vieux rabbin. Pari perdu…

David SICHEL, dit le Rebbe
Vieil ami du père de Fritz ; le rabbin est de toutes les agapes organisées par le célibataire endurci. Homme sage et généreux, plein d’humour : Tout cela n’empêche pas que si ton père avait moins aimé le jambon, les saucisses et les andouilles, il serait encore frais et solide comme moi. Il veut marier Fritz et, tout heureux, finira par servir d’intermédiaire quand son ami tombera amoureux de Sûzel. au milieu de ses amis : Lorsque la vieille servante revint avec une tasse, Sûzel, rouge jusqu’aux oreilles, était assise, toute droite sur le bord de sa chaise, entre Kobus et le vieux rebbe.

IÔSEF, le bohémien
Avec chaque printemps arrive à Marlenheim, Iôsef et son violon. C’est une vieille amitié qui lie Fritz au bohémien. Kobus, jeune homme, traînait déjà dans les brasseries du village quand il rencontra le musicien. Fritz trouva sa musique très belle : c’était comme un rayon de soleil à travers les nuages gris de l’hiver. Mais sans un sou en poche, le bohémien n’était pas en règle. Pour lui éviter la prison – dehors, le Wachtmann le guettait – , Fritz l’invita chez lui où sa dévouée servante Katel leur prépara un magnifique repas de Noël.
Extraits
« – Suzel, cria Kobus, arrive ! Alors une petite fille blonde et rose, de seize à dix sept ans, fraîche comme un bouton d’églantine, les yeux bleus, le petit nez droit aux narines délicates, les lèvres gracieusement arrondies, en petite jupe de laine blanche et casaquin de toile bleue, parut sur le seuil, la tête baissée, toute honteuse. »
« Le vieux David , les yeux pétillants de joie, s’écria :
– Voilà ce qu’on peut appeler une jolie petite fille, et qui fera bientôt une bonne petite femme de ménage, je l’espère. »
« Voilà quinze ans que je vis tranquille avec ma vieille Kathel, que j’ai tout arrangé chez moi pour être à mon aise ; quand je veux me promener, je me promène ; quand je veux m’assoir et dormir, je m’assois et je dors ; quand je veux prendre une chope, je la prends ; si l’idée me passe par la tête d’inviter trois ou quatre, cinq amis, je les invite.
Et tu voudrais me faire changer tout cela ! tu voudrais m’amener une femme, qui bouleverserait tout de fond en comble ! Franchement David, c’est trop fort ! »
« – Toi ! s’écria David. Eh bien, écoute ceci, Kobus ; je n’ai jamais fait le prophète, mais, aujourd’hui, je prédis que tu te marieras.
– Que je me marierai, ha, ha, ha ! David tu ne me connais pas encore.
– Tu te marieras ! s’écria le vieux rebbe, en nasillant d’un air ironique, tu te marieras !
– Je parierais que non.
– Ne parie pas, Kobus, tu perdrais.
– Eh bien, si !… je te parie…voyons…je te parie mon coin de vigne de Sonneberg ; tu sais, ce petit clos qui produit de si bon vin blanc, mon meilleur vin, et que tu connais, rebbe, je te le parie…
– Contre quoi ?
– Contre rien du tout. »
« Un vieux garçon de trente-six ans amoureux d’une petite fille de dix-sept, quelle chose ridicule ! se disait-il. Voilà donc d’où venaient tes ennuis, Fritz, tes distractions et tes rêveries depuis trois semaines ! »
« Mettez que le rebbe David donne à Sûzel, en dot, les trois arpents de vigne …. »

